Rendez-vous avec un mot : marque...
Cette semaine, le mot "marque" proposé par Eiluned ne m'a pas du tout inspiré pour continuer l'histoire des Estiviens, je vous propose donc en retard un texte tout à fait indépendant, inspiré par la journée à la plage de dimanche. L'idée a été imaginée à deux avec une amie et la photo de l'îlot qui figure après ce texte est d'elle...
Au bord de la Manche, non loin de la côte, se dresse un îlot rocheux où habituellement ne viennent que des mouettes. Mais en ce jour d'équinoxe d'automne, les mouettes s'étonnèrent de la présence d'un étranger sur leur territoire.
Arrivé dans la matinée dans un petit bateau, il venait de la direction de Saint-Malo. L'homme n'avait pourtant rien d'un plaisancier typique. Vêtu d'un costume sombre à la mode du XIXe siècle, les cheveux bouclés, il regardait en direction du large. Il semblait attendre quelqu'un.
Soudain, une nouvelle intrusion dans le monde des mouettes arriva depuis le Nord-Est. Un autre beateau accosta bientôt et un homme en descendit. Egalement vêtu d'un costume, mais plus récent que celui de l'autre homme, il portait une barbe blanche. Le premier homme se leva pour aller à sa rencontre et le salua d'un ton chaleureux :
- Cher ami, vous ne venez pas de Paris cette année ?
- Non mon ami, j'ai profité de l'été indien pour aller dans ma maison sur la côte. Et vous, vous avez passé toute l'année au bord de l'eau sur votre île privée ?
- Non je suis allée revoir l'Amérique, les touristes m'agacent parfois en venant hanter les environs de ma demeure.
- Il faut dire que vous résidez dans un cadre exceptionnel mon cher. Mais je vous comprends cependant les touristes qui viennent visiter Paris ne sont guère mieux et j'ai peu de tranquillité avec mes nombreux voisins, nous sommes maintenant soixante-douze à habiter au même endroit, il est difficile d'avoir la paix. C'est notre troisième comparse qui est finalement le plus tranquille, quand arrive-t-il d'ailleurs ?
Soudain, comme pour répondre à sa question, un vrombissement d'avion se fit soudainement entendre. L'avion apparut bientôt dans le ciel sans nuages, c'était un vieux coucou de guerre des années quarante. Il atterit sur la plage, et comme on était à présent à marée basse, l'aviateur put atteindre l'îlot à pied sec. Il salua les deux hommes qui lui demandèrent si son vol de nuit depuis la Méditerranée s'était bien passé.
- A merveille, répondit-il, même si je crains d'avoir affolé un ou deux radars. De nos jours, les gens ne sont plus habitués à voir voler de tels appareils.
- Quand venez-vous enfin vous installer à Paris mon ami, dit le deuxième homme. Vous seriez infiniment plus agréable comme voisin que ce couple de physiciens qui discute sans cesse de procédés scientifiques auxquels je ne comprends absolument rien.
Le nouvel arrivé rit, puis tous trois décidèrent de se consacrer enfin au but de leur entrevue. Ayant lu un certain nombre d'écrits, ils devaient décider ensemble de qui ils allaient aider, après tout il fallait bien s'occuper de la relève. Ceux qu'ils choisissaient n'étaient pas forcément les plus célèbres ou les mieux en vue, mais les plus ardents, les plus passionnés, les plus talentueux...
Soudaint, l'angelus sonna au clocher d'une église abandonnée depuis bien longtemps et les trois hommes disparurent. Il était temps de remettre les noms des élus aux Muses pour qu'elles puissent les marquer de leur inspiration.
Et l'îlot sur lequel ils s'étaient réunis portait à présent la marque du visage d'un homme souriant.
Ce n'était pas pour rien qu'on l'appelait le rocher du Poète...
Avez-vous reconnu les hommes dont je parle ?